Chantal Vey: “Je sais…” hommage à Pier Paolo Pasolini

Informations pratiques:

*Jeudi 13/10: 17h –> 21h vernissage. A 18h30, performance écrite en français;

*Samedi 15/10: 14h –> 18h: ouvert sans rdv;

*Samedi 22/10: 14 –> 18h ouvert sans rdv. A 16h, performance écrite en italien.

Pasolini, né en mars 1922, aurait eu 100 ans cette année. Pour raviver la pensée et les actions de ce mystérieux anticonformiste, et se souvenir que le passé est toujours très présent, nous avons invité l’artiste Chantal Vey à réaliser ses “writing performances” à l’Eté 78. La vie et l’oeuvre de Pasolini sont une matière première importante pour Chantal Vey qui a édité cette année un très beau livre aux éditions Loco “Sur la route de Pier Paolo Pasolini”. Outre les performances écrites, nous présenterons également des oeuvres de Chantal Vey où écrit, trace, mémoire, gestes et lignes se mélangent.

Texte écrit par l’artiste:

Ces écritures performées ont été réalisées pendant la résidence d’artiste à l’Academia Belgica à Rome, où j’ai eu l’opportunité de séjourner pour approfondir ma recherche sur la question “d’héritage pasolinien”. Ici, mon attention s’est concentrée sur les derniers écrits de Pier Paolo Pasolini, et tout particulièrement “Scritti corsari” qui est un recueil d’articles, qui furent publiés dans les colonnes des journaux italiens entre 1973 et 1975. 
L’article, auquel je me suis principalement intéressée, “Il romanzo delle stragi” (“Le roman des massacres”), publié dans Il Corriere della Sera du 14 novembre 1974, dénonçait férocement la politique italienne de l’époque, qualifiée de “stratégie de la tension”. Dans ce quotidien national très largement diffusé, Pasolini osait dire en première page : “Je sais les noms des responsables du massacre de Milan… Je sais les noms des responsables des massacres de Brescia et de Bologne… mais je n’ai ni preuves ni indices…” Il était devenu de plus en plus “scomodo”, comme disent les Italiens, il était un gênant provocateur qui prononçait, haut et fort, les malversations, les corruptions de son pays… 
Ces articles, tout comme ceux de 1975 rassemblés dans les “Lettere luterane”, sont d’une contemporanéité époustouflante. Certains sont pour moi comme une forme de prologue, à ce qu’il voulait dévoiler dans son dernier roman “Petrolio”. Malheureusement, quelques mois plus tard, il fut sauvagement assassiné et réduit au silence à tout jamais.

Dans cette écriture performée que j’intitule “omaggio al romanzo delle stragi di Pier Paolo Pasolini”, j’écris l’entièreté de l’article italien pendant deux heures environ, lisant à haute voix, mot à mot, concentrée sur l’écriture qui avance aveuglément. Ses paroles fortes, très fortes, sont retracées sur une seule ligne ou quelques-unes, soit au crayon graphite, soit à l’encre noire ou rouge sombre. Le geste et la lecture saccadée rythment et guident l’écriture plus ou moins appuyée, les diverses formes graphiques se composent ainsi spontanément. Les lignes se chevauchent, les mots, les uns à la suite des autres se recouvrent, cachent le sens pour devenir lignes tissées, bandeaux d’empreintes… L’écriture devient trace et le geste, un écho à ce qu’évoquait Pasolini.

La pièce intitulée “Solitudine di Pier Paolo Pasolini”, se déploie également sous forme d’écriture expérimentale, en spirale allant de l’intérieur vers l’extérieur. Je cite son magnifique poème intitulé “Versi da testamento”, publié dans “Trasumanar e organizzar” en 1971, où il décrivait sa solitude. 
Ici, je révèle le texte par une spirale, l’écriture se développe en tournant sur elle-même, elle symbolise une forme d’introspection, de recueillement auquel invite ce sentiment ; les syllabes s’enchaînent lentement à l’encre noire et révèlent doucement cette délicieuse et douloureuse poésie.

 

Images: Chantal Vey.

 

Back to Top