Informations pratiques :
ARGUMENT
TROIS RAPPELS AUX VISITEURS:
LE MYTHE
Le désir de faire partie d’un mythe a un rôle crucial dans la modernité. Soit le mythe d’une communauté élargie, soit le mythe d’une fonctionnalité parfaite ou celui d’une éternité factuelle.
LA SURFACE
L’idéologie pourrait prendre la forme d’un emballage ou bien celle d’un plan architectural. Elle est productible. L’important c’est la grille : le côté technique de n’importe quel mythe est toujours une variation de celle-ci.
LE PLAN
Le plan est le générateur. Le plan porte en lui l’essence de la sensation. Si l’on prenait la position du narrateur, on pourrait modeler les nécessités collectives, et finalement, les désirs collectifs, par le simple moyen de la fiction personnelle.
C’est en 2010 que nous avons rencontré Aleksandra. Sélectionnée pour une résidence d’un an au Wiels, elle quittait la Bulgarie pour découvrir la Belgique et Bruxelles en particulier. A l’époque, nous offrions un logement à un ou une résidente, un petit appartement indépendant de notre maison mais dont nous partagions le jardin. Aleksandra s’était vue proposée ce logement.
Et parfois le hasard fait si bien les choses, tant humainement qu’artistiquement. Nous avons beaucoup échangé pendant ces mois de résidence, et sommes restés en contact depuis. Aleksandra s’est installée à Bruxelles, elle y vit, travaille et crée. Elle a d’ailleurs participé à la naissance de l’Eté 78 et à son développement puisque c’est avec elle et les artistes que nous réalisons notamment les cartons d’invitation et les flyers de certaines expositions.
Mais si nous avons choisi d’inviter Aleksandra à exposer à l’Eté 78, c’est parce que les thèmes qu’elle aborde nous touchent particulièrement, tant par leur origine que par leur contenu, leur fond et, bien sûr, par leur forme plastique. Mais aussi par leur actualité.
Notamment, les origines bulgares de l’artiste l’entrainent à questionner l’histoire, sa représentation son interprétation, son utilisation entre-autre au travers du prisme des idéologies.
Nous sommes particulièrement sensibles à ces thématiques plus actuelles que jamais. Que ce soit l’existence passée du communisme et sa « disparition » en Europe, que ce soit l’hyper-développement du capitalisme et du libéralisme, que ce soient les problématiques sécuritaires, migratoires, que ce soient les problèmes démocratiques et/ou économiques…tout nous ramène à l’existence de différentes idéologies au service de leurs causes. Au sein de toutes ces forces complexes et des discours qui les accompagnent, nous, en tant que personne, citoyen, acteur devons douter, réfléchir, nous positionner et agir.
Aleksandra nous donne des pistes de réflexion. En mélangeant archives réelles et œuvres plastiques, au travers de ses dessins, fictions, elle nous demande de réfléchir sur ce que des documents, des coupures de journaux, des discours, des écrits, des architectures nous disent. Poser un regard sur le réel et le fictionnel, induire un mécanisme de doute, de questionnement et de suggestion. Et nous pourrions découvrir que le plus surprenant, le plus interpellant n’est pas toujours la fiction. Aleksandra utilise le faux pour questionner et voir le vrai.
Nous citons l’artiste : Je m’intéresse aux stratégies de la création de l’histoire. Est-ce que l’histoire fixe un moment, un événement, ou bien fixe-t-elle un sens ? Toute représentation historique semble être déterminée par l’idéologie. Une idéologie n’est ni fausse ni la vérité. Peut-être une idéologie est-elle une certaine contagion de la réalité avec la fiction ? Je m’intéresse à cette frontière fluide entre la réalité et la fiction de l’idéologie. Mes intérêts les plus récents incluent l’architecture comme manifestation particulièrement pure de l’idéologie. Je tente de développer une réflexion sur la contribution de l’architecture à la création de l’idéologie-fiction.
Dans le cadre de son exposition à l’Eté 78, Aleksandra a travaillé sur la cité du Kiel (Anvers), bâtiment datant de 1950 et construit par l’architecte Renaat Braem. Né en 1910, il fut stagiaire chez Le Corbusier avant d’envisager sa propre architecture comme un acte à la fois humain et plastique, dans une démarche sociopolitique formelle et utopiste : « la forme architecturale nouvelle joue un rôle permanent dans l’autocréation continuelle de l’homme ». On le connait à Bruxelles, pour avoir construit le bâtiment abritant le rectorat de la VUB ou la Cité Modèle à Laeken. Il était également peintre et sculpteur. Il est décédé en 2001.
L’architecture qui nous entoure n’est pas neutre. Elle dit toujours quelque chose de son époque, d’un mode de vie, d’un mode de pensée, d’une utopie, d’une idéologie contextuelle. Et on ne peut s’empêcher de penser aux quartiers « en carré » construits par Oscar Niemeyer à Brasilia, aux HLM en France (ou en Belgique), aux tours de Dubaï pour ne donner que quelques points de repères immédiats.
Une idéologie ou plutôt des idéologies et leur désir d’éternité.
Démêler le vrai du faux nous semble devenu extrêmement compliqué. Alors il reste notre capacité à douter et se poser des questions. C’est exactement sur ce chemin que le travail d’Aleksandra nous emmène avec de nouvelles œuvres montrées pour la première fois.
Aleksandra Chaushova, née à Sofia en 1985, est bulgare. Elle vit et travaille à Bruxelles. Elle a été résidente au Wiels en 2010. Elle a été nominée pour le prix international du dessin « Faber-Castell » à Nuremberg en 2015 et a gagné le prix Sofam lors de la récente foire du dessin à Bruxelles (septembre 2016). Au travers de ses dessins, éditions, peintures, livre d’artistes, installations, elle crée et nourrit un univers particulier mêlant poésie, fantastique, absurdité et étrangeté. Quelques travaux sur www.chaushova.blogspot.be