“That Other Stoic Comedian“: des oeuvres, des performances et des lectures autour de l’écrivain irlandais Flann O’Brien.
Pour cette occasion, Philippe Hunt nous a fait parvenir le texte suivant :
L’Irlande a, comme tant d’autres lieux, bénéficié d’un culturocide, d’un glottocide, qui lui a été infligé par l’Angleterre, sous le couvert de la Renaissance, des Lumières, de l’idéologie du progrès. À mesure que la langue irlandaise disparaissait en Irlande, et que les Irlandais fuyaient, allant du Canada à l’Argentine à l’Australie, la littérature dite anglaise s’enrichissait d’auteurs irlandais, qui plus que quiconque peut-être, l’ont secouée, et réveillée de son côté “Little Englander” : de Swift et Sterne à Joyce et Beckett, pour ne nommer que les plus immenses. Et bien sûr c’est la modernité tout entière, en Europe et au-delà, qui a été marquée, irréversiblement, par ces Irlandais.
Parmi eux, moins connu, mais non moindre, celui que nous connaissons sous le nom de Flann O’Brien, romancier et articuliste surtout. Le seul à avoir pratiqué (sous des pseudonymes différents) la langue de l’Irlande et la langue de l’envahisseur, lui qui était né à la frontière de ce qui demeure les deux Irlandes. Auteur aussi sérieux et aussi comique (du grotesque au macabre, de la satire à la parodie, de l’ironie au jeu de mots) que Joyce et Beckett, il a comme eux traversé, et marqué, les avant-gardes et ce qu’on appelle post-modernisme. Jouant sur tous les genres narratifs, les enchevêtrant, les enchâssant, les réfléchissant, les faisant se battre les uns contre les autres. Mêlant (toujours comme J et B) le populaire et le savant, avec un peu plus de proximité peut-être vis-à-vis des traditions épiques et magiques de l’île.
Ceci comme un défi, une provocation pour quelques jeunes artistes à qui l’on a demandé de lire, et de partir (à tous les sens du mot) de ce qu’ils/elles avaient lu, senti, subodoré. De transcréer, au plus loin de toute illustration. On avait déjà tenté cette gageure avec James Joyce, Dylan Thomas, Virginia Woolf…